Un samedi après midi    

 

Un samedi après midi.
Des nuages en rut. Un vent de misère. Des volets de gaze. Une rue en carton pâte. Des arbres sans consistance. Un cinéma tout de néon éclaté.

Je paye. Je rentre. Pénombre. Une lampe versatile. Public nombreux à en juger par le dédale de jambes à éviter. Je grimace. Placé trop près. Je veux protester mais, déjà, la lampe se meurt sur le retour.
Un écran lumineux. Boutons sur le côté. Je souris à cet artifice. Le procédé me semble bon car le public est plus réceptif.

Le film.
Du déjà vu. Intérêt des plus limités. Une épouse sur le dos, un mari sur le retour, un amant sur les genoux.
Fourmis dans les jambes.

Mon voisin de droite bascule légèrement en avant, il s'est endormi.
Le mari ne doute plus. Il sait, il souffre. Un spectateur rote. Le public, bon enfant, rit.
Image finale. Sacrifice du mari. Il avale un bâton de dynamite et se volatilise.
Public assez déconcerté car une partie du plafond a cédé. Explosif trop fort probablement.

Je suis indemne. Mon voisin de droite est mort. Larynx perforé. Il suçait son pouce en dormant.
On se perd en conjecture. Accident ou cinéma-vérité ? On ne sait.
Police secours. On dégage la sortie. On évacue les morts. On discute. Débat sur le vif. Je ne participe pas. Je déteste le genre ciné-club.
Mais déjà la seconde séance.

Je pars avant la fin..

Un samedi après midi.

 

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Georges Berdot